État de sièges

Ils ne veulent pas partir. Déterminés à mener la lutte jusqu’à son terme, fut-elle perdue d’avance. Sous les risées de l’opinion publique et les quolibets des éditorialistes, ils se dressent pour combattre l’injustice, le déshonneur, l’infamie : un projet de loi portant sur le non-cumul des mandats des élus de la République. Insupportable perspective qui contraindrait ces hommes et ces femmes à quitter certaines de leurs électorales fonctions, ainsi que les voitures et autres appartements du même nom.

Le chef de la fronde se nomme François Rebsamen, sénateur-maire socialiste de Dijon qui entend bien ne pas respecter la promesse de campagne de François Hollande. Celle qui le contraindrait à quitter son mandat de premier officier municipal. Celle également qui supposerait que parmi les 150 000 habitants de sa commune, existerait une femme ou un homme disponible et compétent, susceptible de le remplacer. Une hérésie pour celui qui déclarait récemment « J’ai été élu pour 6 ans. Jusqu’en 2014, je serai sénateur et maire », en franc-tireur de balle dans le pied.

« Il est important qu’un parlementaire possède un mandat local afin qu’il reste proche de la population » déclarent régulièrement les derniers résistants d’une situation quasi unique en Europe. Mais pourquoi seulement les parlementaires ? Le Président de la République lui même n’est-il pas tenu d’être proche des ses concitoyens ? Ne devrait-on pas obliger le chef de l’État d’être en sus, le maire de Champagnole ? Le contraignant à enchainer le discours sur la guerre civile en Syrie et ses répercussions au niveau européen, avec celui sur la réfection du toit du gymnase Jean Galfione.

De plus, sous la menace d’une angoissante hausse du chômage, pouvons-nous en vouloir à ces esprits prévoyants de cumuler plusieurs postes ? Rien de plus précaire qu’un emploi de représentant du peuple, connaissant le caractère versatile et inconstant de ce dernier. Ainsi est-il nécessaire pour eux de se prémunir d’un avenir incertain en provisionnant les émoluments issus des différents mandats de député, sénateur, maire, conseiller régional. En attendant de Matignon, qui sait, peut-être un jour, un gros portefeuille.

Toutefois, peut-être que la démocratie perd un peu de sa valeur, confisquée par quelques opiniâtres, sans renouvellement du personnel politique. Peut-être que l’électorat se lasse peu à peu de subir sans cesse les mêmes visages, les mêmes discours, les mêmes ambitions personnelles stériles. Enfin peut-être que celles et ceux s’imaginant comme d’irréductibles concentrés d’intelligence indispensables au bon fonctionnement de la société retrouveront un soupçon d’humilité.

Juste de quoi abandonner leur multicasquette. Et dégonfler leur grosse tête.

 

Guillaume Meurice

01/09/2012

1 commentaire

Classé dans CHRONIQUES

Une réponse à “État de sièges

  1. Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse. Elles est pertinente.
    Je suis moi même élu et je vois que ma petite fonction est déjà un temps plein. Comment font tous ceux qui croulent sous les responsabilités ? Comment peut on se consacrer à un domaine quand on s’éparpille sur tous les sujets ?
    Vous avez raison quand vous parlez que les deux clés sont le pouvoir et l’humilité. Je vais même plus loin en disant que c’est un problème d’égo. Ils ne sont pas élus pour le bien des autres mais pour leur propre égo. Et c’est cela qui amène les parties les plus sombres des personnalités.

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